Poétesse encore trop méconnue aujourd’hui, ses vers révèlent son intimité avec la mort. En effet, décédée à vingt-ans d’une grave maladie du sang, Alicia Gallienne a écrit des centaines de poèmes entre 1986 et 1990. Tombés dans l’oubli, ce n’est que trente-ans après sa perte qu’ils ont été publiés, notamment grâce à son cousin Guillaume Gallienne, sous le titre de L’autre moitié du songe m’appartient.
Une poétesse cernée par l’imminence de sa fin
Alicia Gallienne fut marquée par sa destinée tragique. Consciente de la proximité de sa mort à l’annonce de sa maladie diagnostiquée à ses quinze ans, elle continua à vivre intensément. Fatigue, greffe de moelle osseuse, examens médicaux, le décompte des jours avant sa fin fut rythmé par la lutte contre l’aplasie médullaire, et pourtant, elle ne cessa d’écrire.
Elle connut même deux amours, et, ne parla jamais du mal qui la rongea intérieurement. « La moelle osseuse d’une très vieille dame dans un corps de nymphe aux yeux bleus profonds » écrit la préfacière. Malgré un destin scellé par la maladie, la jeune femme aima ainsi la vie plus que tout, décrite par la préfacière comme « Libre de corps et d’esprit, ayant vécu en accéléré un bout d’enfance, un bout de ténèbres, un bout de brasier, un bout de néant, un bout de lune de miel, un bout de vie à deux ». En effet, face à sa fin imminente, l’autrice défia la mort par ses mots, et exprima la puissance de la vie et de l’amour.
Tombés dans l’oubli, ses poèmes furent redécouverts en 2018. En effet, sa mère a contacté son neveu Guillaume pour lui demander de proposer ses poèmes à son éditeur chez Gallimard. L’éditrice Sophie Nauleau a alors saisi les poèmes et a créé ce recueil.
Depuis trente ans que son corps se tient au cimetière de Montparnasse, ses mots ont inspiré Guillaume Gallienne, qui explique pour l’émission consacrée à la poétesse que « C’est le jour de sa mort que j’ai décidé de devenir comédien, afin de transmettre les mots des grands auteurs, dont elle m’a donné le goût ».
Des poèmes intimes imprégnés par l’amour, la vie et la mort
Les poèmes de l’autrice sont autant de vers marqués par l’intensité des sentiments et par une émouvante force de vivre. Car « vivre, c’est être fort et accepter de tomber sous le poids de ce qui ne nous appartient pas… sans sourciller ». Sa poésie se trouve donc être espace de vérité et dialogue avec l’autre monde. Parce qu’il lui arrive de douter, « le courage, c’est aussi renouveler le doute », Alicia semble écrire dans un monde à la confluence entre la mort, la réalité et l’art. En effet, elle écrit « moi j’aime l’art par vocation de m’échapper sans cesse / Par vocation de regard par vocation d’écriture », car elle fait partie des âmes qui « se baladent dans ces mondes parallèles / Elles enjambent les balustrades et tentent le vide / Elles ont un souci éternel de voyager avec l’esprit ».
Aussi, dans ce recueil d’une extrême justesse, la poétesse clame un amour puissant « Mais de vous mon Dieu je ne sais rien / Si ce n’est les contours tranchants du doute / Si ce n’est les éclaircissements de l’amour / Qui renouvellement chaque jour votre substance / Tout le reste n’est qu’incohérence ». Entre vie et ténèbres, les vers de la jeune femme frappent par leur clairvoyance et révèlent une âme luttant pour vivre alors qu’elle se trouve aux portes de la mort.
L’autre moitié du songe m’appartient est finalement le triomphe du pouvoir de l’écriture sur la mort, comme exutoire salvateur de l’oubli. La poésie de Alicia Gallienne a donc emporté le combat contre la mort, en permettant la survivance des passions et pensées d’une âme sublime.
Article rédigé par Louise Chaufourier.