La rédaction de lettres a fait l’objet d’un vif intérêt de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Cette « conversation entre amis absents » a évolué au cours du temps pour passer d’un exercice rhétorique rigoureux à un écrit de récits personnels. Ici sont proposés trois auteurs originaux : Malherbe, Madame de Sévigné et Fernando Pessoa.
Rigueur comme principe fondateur de Malherbe
Un acharné de la méthode, l’auteur Malherbe n’en est pas moins un fantasque et un bourru. Né à Caen vers 1555 et mort en 1628 à Paris, il s’est forgé la réputation d’un écrivain soucieux d’une construction claire, ordonnée et régulière de la phrase. Traitant de sujets très généraux et impersonnels, il manque de l’imagination propre aux génies littéraires. Cependant, cette cruelle absence de subjectivité donne lieu à des réflexions profondes et philosophiques. Ce caractère objectif se retrouvera jusque dans ses lettres qui devraient pourtant être le lieu de la pure expression personnelle. Il est donc intéressant de s’aventurer dans les lettres de Malherbe afin de s’imprégner de sa logique inflexible.
Madame de Sévigné : la finesse et le style lyrique d’une femme d’esprit
Raison et sensibilité font bon ménage chez cette écrivaine de renom. Madame de Sévigné, née en 1606 à Paris et morte dans la Drôme en 1696, est passée maîtresse dans l’art épistolaire. En effet, la puissance de ses sentiments et son esprit raffiné se font ressentir dans ses nombreuses lettres très appréciées. Ses lettres les plus connues sont dédiées à sa fille dont elle souffrira l’absence. Cette femme de lettres orpheline à 6 ans a fait face à de nombreux obstacles. La mort précoce d’un mari indifférent au sort de son épouse, des enfants croulants sous les dettes et peu concernés par les affaires familiales. C’est donc en indépendante et en esprit libre que Madame de Sévigné rédigera des missives pleines de vigueurs.
Fernando Pessoa : un auteur multiple et multiplié
Une imagination débordante dans un esprit fragmenté. Fernando Pessoa, aussi critique et polémiste, est né en 1888 à Lisbonne et y meurt pour cause d’alcoolisme en 1935. Artiste prolifique et peu connu de son époque, il est pourtant l’un des plus intéressants et talentueux de son temps. En effet, son influence dans la langue portugaise a été comparée à celle apportée par Luis Vaz de Camôes, le plus grand poète du Portugal, lors de son hommage national officiel. Aussi, ses hétéronymes, estimés à 80, font de lui une personnalité multipliée. Il a incarné une multitude de personnages dont il a complètement inventé les récits. Homme à la vie tragique, ce poète a écrit beaucoup de lettres passionnées à la seule personne qu’il aurait aimée, Ofélia Queiròs. Malgré la pleine conscience de sa «dépersonnalisation», elle restera pour lui jusqu’à sa mort une proche des plus fidèles.
Article rédigé par Lou Thuret