Numérique

25 octobre 2022

Jeunes Rédacteurs

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De la même façon que l’invention du livre imprimé à la Renaissance, la montée du Numérique semble être une véritable révolution dans l’écriture. Aussi, certains s’inquiètent des méfaits de ce bouleversement sur l’orthographe des jeunes, premiers impactés par cette progression technologique. Mais qu’en est-il vraiment ?

L’écriture numérique a-t-elle vraiment perturbé l’orthographe des jeunes ?

Les nouvelles technologies, et en particulier l’usage de l’écriture numérique par les SMS et réseaux sociaux à caractères limités, ont suscité de nouvelles pratiques d’écriture chez les jeunes pour échanger plus aisément. Le langage utilisé est alors largement incriminé par les parents et professeurs. Ceux-ci expliquent les difficultés d’orthographe et l’appauvrissement du vocabulaire des enfants par ce nouveau parler digital.

Aussi, des recherches scientifiques ont été menées pour connaître la vérité quant à l’impact des nouvelles technologies sur l’orthographe des jeunes. En effet, entre 2013 et 2014, des universitaires du centre de recherche sur la Cognition et l’Apprentissage ont dirigé via le CNRS une étude nommée Le SMS, une menace pour l’orthographe des adolescents ? Celle-ci a révélé que la pratique des SMS n’a pas eu d’impact sur l’expression des jeunes. Les chercheurs ont montré qu’en début de pratique des SMS, il s’agit du niveau d’orthographe initial qui influence la forme des SMS envoyés, et non ces derniers qui déterminent l’orthographe traditionnelle. Contrairement aux appréhensions liées aux nouvelles technologiques, les meilleurs élèves utiliseraient plus ce nouveau langage numérique comme une forme de « jeu » avec une langue qu’ils connaissent déjà. La maîtrise de l’orthographe et de l’expression numérique dépendrait donc des mêmes capacités intellectuelles. 

La maîtrise du langage SMS comme « jeu » supposant une maîtrise préalable de la langue.

De nombreux mémoires de recherche en orthophonie, tel que celui de Aude Minne en 2017, ont confirmé cette conclusion selon laquelle il n’y aurait pas de différence de niveau d’orthographe entre les enfants pratiquant les SMS et ceux qui ne les utilisent pas. Cette dernière a montré dans son mémoire intitulé L’impact de l’utilisation du langage SMS sur l’orthographe, à partir d’une étude ciblant de jeunes enfants et leurs performances en vocabulaire et orthographe, que l’écriture en langage SMS faisait appel à des processus parallèles à l’écriture traditionnelle.

C’est en ce sens que Nicole Marty explique dans Informatique et nouvelles pratiques d’écriture que les adolescents qui communiquent avec les nouvelles technologies sont déjà lettrés, et utilisent les erreurs orthographiques des SMS volontairement. Par exemple, un adolescent qui écrit « toussa » pour donner une impression décontractée dans un échange amical, connaît l’orthographe de « tout ça ». Il n’utiliserait pas cette orthographe dans un cadre académique. La transgression des règles suppose donc une maîtrise préalable.

Les abréviations sont-elles liées à l’essor du numérique ?

Si les abréviations des SMS sont souvent incriminées comme causes de la mauvaise orthographe des enfants, c’est parce qu’il est communément admis que ces raccourcis sont nés avec le numérique. Pourtant, elles ne datent pas de la révolution digitale. En effet, Auguste Pelzer, explique dans Abréviations latines médiévales, supplément au Dizianario di abbreviature latine ed italiane de Adriano Cappelo qu’il existait dès le moyen-âge des « notes tironiennes ». En cela, ces raccourcis d’écriture n’ont pas empêché un juste usage du français dans un cadre institutionnel. Il faut discerner l’usage courant et l’usage officiel des mots. En outre, dans une visée thérapeutique, les orthophonistes utilisent l’écriture de logotomes pour aider les patients ayant des difficultés à acquérir le langage écrit. De plus, bien avant l’avènement du SMS, les étudiants prenaient des notes de cours. Personne ne s’était inquiété de l’effet néfaste des abréviations dans un cadre officiel.

Lecture
Derrière la baisse du niveau d’orthographe, d’autres causes que le numérique.

Il y’a néanmoins une vraie baisse du niveau d’orthographe. En effet, plusieurs études montrent que le niveau général, et plus particulièrement des jeunes, a baissé. Selon le baromètre du projet Voltaire, entre 2010 et 2015, le niveau d’orthographe des français a baissé de six points. On peut donc se demander la cause de cette mauvaise orthographe. Est-elle plutôt liée à un enseignement en déclin, ou à une baisse de lecture des jeunes ?

On peut penser que l’effondrement du niveau d’orthographe ne serait pas la conséquence du langage des réseaux sociaux, mais serait plutôt lié au temps passé sur ces derniers, trop chronophages par rapport à d’autres activités. Par exemple, dans le mémoire Lecture personnelle et orthographe : la lecture accroît les capacités orthographiques, mythes ou réalité ?, Adeline Laurent explique que la lecture peut aider les élèves à progresser en orthographe, même si ce n’est pas une fatalité. De la même façon, aujourd’hui, un « grand lecteur » est considéré comme tel lorsqu’il lit plus de 20 livres, alors qu’en 2011, cette catégorie commençait à 50, et il y’a 20 ans, à 100 livres par an. Il serait donc intéressant d’étudier l’influence de la lecture personnelle sur l’expression des jeunes, à l’heure où il est plus que nécessaire de maîtriser l’orthographe pour sa vie professionnelle future.

Article rédigé par Louise Chaufourier

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